Michael Mann
L’œuvre de Mann passionne aujourd’hui, parce qu’elle concerne le régime contemporain des images tout en renouant depuis le début et à sa façon avec la vigilance ou l’éthique du cinéma des années 70. Les images séductrices qui hantent et défient ses personnages sont aussi la matière même des films du cinéaste et leur beauté les désigne à notre regard comme suspectes. Michael Mann filme comme d’autres font du surf. C’est par l’image (élégance des formes) qu’il séduit son spectateur, le captive et l’incite, par les moyens mêmes de son cinéma et le temps de la projection, à accéder à la perception critique de son adhésion sensorielle. Le cinéaste, conscient de participer depuis plus de trente ans au flux planétaire des images, d’alimenter les circuits de la fiction, de faire proliférer le réseau d’un régime visuel dominant, propose à celui qui regarde ses films d’éprouver un double sentiment d’aboutissement de l’image-action et de son retournement à force de perfection inédite. Il ne s’agit plus, comme du temps de Peckinpah, Scorsese ou De Palma, d’interroger le statut de l’image par démontages, salissures ou morcellements, mais de parvenir au même résultat en accédant par la technique à une esthétique étrangement aboutie. Catharsis et mise à distance : Mann souhaite faire accéder chacun à une réflexion sur la nature de son émotion.Par là, il n’a pas renoncé à changer le monde, mais à la manière des flics de Miami Vice, « infiltré » au cœur du Système et de la rétine du spectateur.
— Bernard Benoliel, La Cinémathèque française