Michael Cimino
Michael Cimino, un mirage américain, documentaire réalisé par le critique et essayiste Jean-Baptiste Thoret vient de sortir en salle. Grand défenseur et admirateur de l’œuvre du cinéaste (décédé en 2016 à l’âge de 77 ans), il nous livre un hommage somptueux et envoûtant. C’est l’occasion de revoir sur grand écran les deux chefs-d’œuvre de Cimino et de mieux comprendre ce cinéaste de légende.
Le cinéma lui doit deux des plus grands films de son histoire : deux fresques historiques portées par un souffle épique et une puissance incantatoire inouïe, et travaillées en sourdine par une méditation sur le temps, la perte, la condition humaine.
Voyage au bout de l’enfer (1978), premier film américain critique de la guerre du Vietnam, dépeinte comme le cauchemar halluciné d’une Amérique en pleine dislocation, et La Porte du paradis (1980), évocation de la naissance de cette nation légendaire dans la violence d’un crime de masse. Porté au pinacle pour Voyage au bout de l’enfer, qui lui valut cinq Oscars dont celui du meilleur film, ce grand formaliste romantique fut brisé par La Porte du paradis, naufrage industriel qui précipita la faillite des Artistes Associés, le studio créé en 1919 par Mary Pickford, Charlie Chaplin, Douglas Fairbanks et D. W. Griffith. Jeté en pâture à la presse, blacklisté par toute l’industrie, Michael Cimino a encore réalisé L’Année du dragon (1985), avant de sombrer lentement en trois étapes : Le Sicilien (1987), La Maison des otages (1990) et Sunchaser (1996). Michael Cimino, cinéaste maudit et désenchanté, emblématique des années 1970, n’en reste pas moins un idéaliste, habité par une forme de croyance dans la possibilité de retrouver dans le contemporain des bribes de l’Amérique des origines et d’en réactiver le mythe fédérateur.
Isabelle Régnier, Le Monde