L’Innocent

Quand Abel apprend que sa mère Sylvie, la soixantaine, est sur le point de se marier avec un homme en prison, il panique. Épaulé par Clémence, sa meilleure amie, il va tout faire pour essayer de la protéger.

Après avoir flirté avec le triangle amoureux dans Les Deux Amis et L’Homme fidèle, puis teinté d’autodérision sa jolie fable écolo La Croisade, Louis Garrel livre, avec L’Innocent, un bijou de fantaisie, une hilarante comédie familiale, sentimentale et policière. Abel (Garrel lui-même) s’angoisse : sa mère, Sylvie, prof de théâtre en milieu carcéral, est à nouveau amoureuse d’un taulard. Filature digne de la Panthère rose, malentendus, petits mensonges bien intentionnés : quand l’histoire tourne au braquage foireux, tout le monde a son rôle à jouer…
Avec ce quatrième long métrage, Garrel penche avec un bonheur communicatif du côté maternel en s’inspirant de l’histoire de sa mère, la réalisatrice Brigitte Sy, qui se maria en prison. Un peu de Jacques Demy pour les couleurs acidulées, des sentiments, un brin de L’Ultime Razzia, de Stanley Kubrick, et beaucoup de légèreté extravagante à la manière d’une comédie du remariage de l’âge d’or hollywoodien : L’Innocent galope entre mélancolie filiale, pur comique de situation et séquences à double fond où le jeu lui-même offre de désopilantes pistes. Ainsi dans un restaurant, un routier assiste, médusé, à une mise en scène amoureuse qui se révèle plus vraie que nature, car les liens les plus profonds, les plus intimes, peuvent émerger du plus beau des marivaudages. L’acteur-réalisateur a, de plus, réuni un casting idéal : Roschdy Zem en gangster sentimental d’un autre temps, Anouk Grinberg que l’on est si heureux de voir à nouveau étinceler (sa manière de prononcer le prénom de son amoureux est un délice en soi) et Noémie Merlant, qui laisse exploser un potentiel comique digne d’une Katharine Hepburn. Un grand cinéaste populaire est né.
— Guillemette Odicino, Télérama