La Poursuite infernale [My Darling Clementine]

En 1882, les quatre frères Earp mènent leur troupeau vers l’Ouest, mais le bétail est volé et le cadet assassiné. Pour venger ce meurtre, Wyatt Earp devient le shérif de Tombstone et prend ses frères comme adjoints. Ils se lient avec Doc Holliday, qui noie ses tourments existentiels dans l’alcool, et découvrent très vite que toute la ville est aux mains d’une puissante famille d’éleveurs qui sème la terreur : les Clanton...

Le règlement de comptes à OK Corral entre les honnêtes frères Earp et les vils Clanton est un épisode mythique de l’Ouest. Pourtant, John Ford – qui se vantait d’avoir connu Wyatt Earp – ne s’intéresse pas au duel final, mais s’attarde sur les habitants d’une petite ville poussiéreuse (un barbier, un maire, un barman philosophe…) se concentrant davantage sur l’énigmatique Doc Holliday (Victor Mature, dans son meilleur rôle) que sur le héros, le shérif Wyatt Earp (Henry Fonda, troublant de modestie). Ford l’humaniste filme une scène surprenante : un acteur, sur une table de saloon, récite le monologue d’Hamlet sous la menace de bandits. Le shérif et Doc sont subjugués : cette histoire au royaume pourri du Danemark trouve des résonances étranges dans la leur. Wyatt Earp est obsédé par le besoin de venger la mort de son frère. Doc Holliday est un ancien médecin rongé par un mal insidieux. Et les deux hommes ne savent pas aimer les femmes qui, pourtant, les attendent. Comme le prince danois, ils sont hantés par des fantômes. C’est un western lent et mélancolique, aux images d’une beauté sidérante.
– Anne Dessuant, Télérama