Énorme
Sophie Letourneur – 1h41, 2020
avec Marina Foïs, Jonathan Cohen
Ça lui prend d’un coup à 40 ans : Frédéric veut un bébé, Claire n’en a jamais voulu et ils étaient bien d’accord là-dessus. Il commet l’impardonnable
et lui fait un enfant dans le dos. Claire se transforme en baleine et Frédéric devient gnangnan.
On pouvait s’attendre à une comédie audacieuse de la part de Sophie Letourneur, après La Vie au ranch. Pour la première fois, elle fait appel à des acteurs populaires, mais c’est pour mieux les plonger dans un film hors normes sur la grossesse et l’accouchement. Avec son talent pour l’incongru, elle offre à Jonathan Cohen de jouer la couvade la plus fervente qui soit : il faut le voir, tout fier et de plus en plus enrobé, répéter qu’il est « primipare ». Irrésistible et tendre, il occupe toute l’image au format carré, sorte de bocal expérimental, avant que, soudain, le ventre de Marina Foïs, d’un détachement subtil, donne raison au titre : une excroissance folle, à la fois terrifiante et burlesque, digne des frères Farrelly, qui envahit le cadre, et coupe encore un peu plus du monde cette pianiste… nombriliste.
Puisqu’il s’agit de conception, Sophie Letourneur croise, aussi, deux sources de cinéma. D’un côté, donc, ce couple fictionnel pas comme les autres,
et, face à eux, un personnel hospitalier bien réel, sages-femmes, gynécologues, hypnotiseurs, que la réalisatrice a filmés à part, dans leurs propres rôles, avec leurs propres mots. Le montage de ces deux matériaux différents (documentaire et fiction), en champ-contrechamp, engendre une artificialité porteuse, paradoxalement, d’une vérité troublante, voire dérangeante. Comme dans la scène d’accouchement, hyperréaliste… Avec Énorme, Sophie Letourneur a peut-être réussi à capter l’étrangeté même de notre capacité à nous reproduire : un événement naturel digne de la science-fiction…
Guillemette Odicino, Télérama
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