Seules les bêtes
Dominik Moll – 1h57, 2019
avec Denis Ménochet, Laure Calamy, Damien Bonnard
Une femme a disparu. Le lendemain d’une tempête de neige, sa voiture est retrouvée sur une route qui monte vers le plateau où subsistent quelques fermes isolées. Alors que les gendarmes n’ont aucune piste, cinq personnes se savent liées à cette disparition. Chacune a son secret, mais personne ne se doute que cette histoire a commencé loin de cette montagne balayée par les vents d’hiver, sur un autre continent où le soleil brûle, et où la pauvreté n’empêche pas le désir de dicter sa loi.
Dominik Moll nous a habitués à ses rêveries déviant invariablement vers le cauchemar, de Harry, un ami qui vous veut du bien au Le Moine. Avec Seules les bêtes, il renverse le principe actif de son cinéma, partant du roman éponyme de Colin Niel, épousant son réalisme pour y distiller très progressivement le sens de l’étrange que nous lui connaissons. Et contre toute attente, cette orientation n’a rien d’un renoncement, tant elle permet au réalisateur de faire montre d’une maîtrise narrative et stylistique qu’on ne lui connaissait pas. Au fur et à mesure que se déploie son intrigue, Seules les bêtes dévoile un cœur noir, aux pulsations imprévisibles et profondes. Ce qui démarre comme une recension de fait divers assez banal braque soudain vers une poésie glauque, alors qu’un homme perdu se prend d’amour et d’affection pour un cadavre, avant de soudain virer vers le pur romanesque, jusqu’à ce que le spectateur réalise qu’il assistait depuis le début aux prémices d’une tragédie totale, jouant avec le registre du pathétique avec une intelligence rare. Ainsi, les circonvolutions du récit et ses nombreux twists, pour saisissants qu’ils soient, demeurent toujours cohérents et portés par les traumas ou névroses des figures qui peuplent le film. Autant d’âmes délaissées, progressivement contaminées par un mal banal, un ennui insondable, soit les poisons que Giono décrivait avec génie dans son Roi sans Divertissement. Cette équation prend forme lors de la grande bascule de Seules les bêtes, alors que l’éleveur interprété par Damien Bonnard contemple un gouffre sans fond, que le scénario et la mise en scène parviennent miraculeusement à fracturer, pour y laisser poindre un peu de lumière.
Simon Riaux, Écran large
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