Sidney Lumet
L’œuvre de Sidney Lumet s’étend sur cinquante ans. Lumet tourne sans arrêt (parfois plus d’un film par an) et travaille aussi pour la télévision (près de 250 téléfilms). Cette manière de travailler quasi-industrielle lui vaudra d’être longtemps considéré comme un cinéaste mineur, grand directeur d’acteurs certes, mais au style impersonnel. Son œuvre est pourtant le lieu d’expérimentations formelles renouvelées. Elle est surtout d’une impressionnante cohérence, explorant dans chacun de ses films une idée singulière de l’individu. Film après film, Lumet sonde de fait, tel un ethnologue ou un documentariste, tous les lieux de pouvoir, les lieux où se forgent la loi et son application, la justice (Le Prince de New York, Le Verdict, Daniel), la police (Serpico, The Offence), l’armée (La Colline des hommes perdus, Point limite), les médias (Un après-midi de chien, Network), la famille (À bout de course).
Chacun d’entre eux est mis en tension par l’homme qui l’incarne, avec ses limitations propres, physiques, intellectuelles, morales. Chez Lumet, l’homme est toujours renvoyé à sa responsabilité au sein du monde. Ainsi comme 12 Hommes en colère le préfigure, Lumet est dans ce balancement perpétuel entretenu par le mouvement continu du monde, le groupe et l’individu, la loi et son interprétation.
Bartłomiej Woznica, auteur, réalisateur