Proxima
ALICE WINOCOUR – 1H46, 2019
AVEC EVA GREEN, ZÉLIE BOULANT-LEMESLE, MATT DILLON
Sarah est une astronaute française qui s’apprête à quitter la terre pour une mission d’un an, Proxima. Alors qu’elle suit l’entraînement rigoureux imposé aux astronautes, seule femme au milieu d’hommes, elle se prépare surtout à la séparation avec sa fille de 8 ans.
De Claire Denis (High Life) à James Gray (Ad Astra), on assiste à un renouveau du film spatial qui passe désormais par l’intime. Proxima participe de ce courant, à ceci près qu’il ne quitte pas le plancher des vaches. L’éloignement de Sarah et Stella commence sur Terre. De la base d’entraînement de l’Agence spatiale européenne, à Cologne, au cosmodrome de Baïkonour, Proxima décrit de manière très documentée comment Sarah s’entraîne physiquement et mentalement à vivre dans l’espace. On la voit courir allongée (!), tourbillonner dans une centrifugeuse, répéter les exercices périlleux (certains sous l’eau), s’isoler en quarantaine. À travers cette mise à l’épreuve, on reconnaît le tropisme d’Alice Winocour (Augustine, Maryland) pour un cinéma corporel, médical. Un cinéma vigoureux, occupé au centre par une femme. Le combat de Sarah est d’autant plus louable qu’elle est seule au milieu d’hommes et doit vaincre le machisme ambiant. Son équipage comprend deux autres astronautes, russe et américain. Si le premier est affable, le second (Matt Dillon) la prend de haut. Avant de ravaler son sexisme, bluffé, comme nous, par les performances de sa partenaire. Reste qu’elle est humaine, qu’elle a des failles. C’est ce qui rend Eva Green si convaincante. À la fois machine de guerre et femme ordinaire qui craque dans les toilettes, elle est surtout une mère troublante. Car remuée à l’idée de laisser sa fille, qui sait, peut-être pour toujours — la mort fait partie des risques du voyage. Stella (étonnante Zélie Boulant-Lemesle, jamais mièvre, toujours juste) ne l’ignore pas. Tout ce qui se joue entre elles, le cœur du film, est abordé avec délicatesse et droiture. Leur lien tendre, qu’on ressent fusionnel, est fait d’écoute et d’intelligence, ce qui n’empêche pas les tensions, les peurs, les faiblesses.
Proxima est un film à la fois lunaire et pragmatique. À mesure que le jour J (le décollage) approche, une forme de suspense silencieux monte, de même que l’émotion. L’arrivée des astronautes, le public amassé, le compte à rebours, la réalisatrice filme tout cela en suggérant bien la solennité du moment, mais sans rompre le fil de l’intimité. L’envol final a ceci de magnifique qu’il est vécu par la mère, mais aussi par sa fille.
Jacques Morice, Télérama