Perdrix
ERWAN LE DUC – 1H39, 2019
AVEC SWANN ARLAUD, MAUD WYLER, FANNY ARDANT
Pierre Perdrix vit des jours agités depuis l'irruption dans son existence de l'insaisissable Juliette Webb. Comme une tornade, elle va semer le désir et le désordre dans son univers et celui de sa famille, obligeant chacun à redéfinir ses frontières, et à se mettre enfin à vivre.
Pour décrire l’effet de sidération douce que procure le film, le mieux est encore d’en faire le résumé, une grande part de sa singularité tenant dans ses multiples lignes de récit : Pierre Perdrix est un gendarme au quotidien rangé que vient bousculer sa rencontre avec Juliette Webb, une SDF graphomane victime du vol de sa voiture par des nudistes révolutionnaires.
D’un côté, elle (Maud Wyler, une révélation) et son pedigree d’orpheline fière de l’être, bavarde impénitente bouffée par la solitude, reine des monologues sans queue ni tête. Quoique. Et de l’autre côté, lui (formidable Swann Arlaud, ex-Petit Paysan récompensé par le César du meilleur acteur en 2018) qui ne souffre pas de n’avoir plus de clan mais en subit les maléfices. Avec l’impériale Fanny Ardant pour commencer, sa mère, puis le frère – l’autre fils – joué par le génial Nicolas Maury et sa fille ado : une championne de ping-pong qui joue contre elle-même dans sa chambre.
On se demande comment de ce fatras d’affects fossilisés peut naître une histoire d’amour, mais le miracle a lieu. Un prodige qui prend corps dans un entrelacs de situations loufoques. Mais il ne s’agit pas ici que d’un songe d’amour, car Le Duc imagine toutes les manières de faire rire, ou sourire, avec cette exigence prolifique et cet appétit pour toutes les gammes de la comédie, proche en ce sens d’un Pierre Salvadori qui, avec En liberté ! l’année dernière, ravivait la flamme de la comédie policière en ballet sophistiqué, ou encore Thomas Cailley et ses Combattants, entre le survival acrobatique et le film de bidasse.
Face aux cadres préétablis – et parfois confortables – de nos existences, Perdrix est une comédie romantique endiablée, une bizarrerie sublime, doublées d’une farce mélancolique et attachante.
Emily Barnett, Les Inrocks