Monos
Alejandro Landes – 1h43, Colombie, 2019
Avec Julianne Nicholson, Moisés Arias, Sofia Buenaventura
Dans ce qui ressemble à un camp de vacances isolé au sommet des montagnes colombiennes, des adolescents, tous armés, sont en réalité chargés de veiller à ce que Doctora, une otage américaine, reste en vie. Mais quand ils tuent accidentellement la vache prêtée par les paysans du coin, et que l’armée régulière se rapproche, l’heure n’est plus au jeu mais à la fuite dans la jungle…
Quelque part en Amérique latine, des adolescents et adolescentes rebelles livrés à eux-mêmes constituent une armée de guérilleros. Ils vivent dans les montagnes dans un état sauvage, et occupent leur temps à jouer. Mais le centre de loisirs devient camp d’entraînement lorsqu’ils sont chargés de garder un oeil sur une otage américaine et une vache. À la frontière du documentaire, du film d’aventures, du fantastique et de l’installation expérimentale, le cinéaste colombo-équatorien Alejandro Landes livre une oeuvre non identifiée, qui élabore un rituel hors du temps reposant sur ses propres codes. Ce n’est pas l’histoire d’une guerre ou d’un pays spécifique. La mise en scène éclatée favorise une confusion sur le contexte. Pourtant, loin de nous perdre, le film nous attrape par l’immersion sensorielle qu’il favorise. Il est une invitation à se laisser bercer par le flux des images. Les aspects rituels et folkloriques participent à cette danse des images et des corps, dans un mélange de violence et de méditation. Au fil de ses images ambivalentes, Monos touche à la réalitéchaotique et brutale des conflits armés et dénonce l’embrigadement par les divers jeux de pouvoirs opérés par cette communauté. La musique de Mica Levi (Under the Skin), magnifiquement lancinante, s’ajoute au travail du directeur de la photographie Jasper Wolf, valorisant le paysage, avec ses sommets recouverts de brouillard épais, les orages au loin, les parois vertes impénétrables de la jungle. Un film magnifiquement charnel.
Benoît Basirico, Bande à part