Delphine et Carole, insoumuses
Callisto McNulty – 1h10, France, 2019
Fin des années 60, Sony lance la Portapak, caméra portative. Carole Roussopoulos, journaliste et réalisatrice, en fait l’acquisition et forme des femmes à cet outil prometteur. Elle rencontre Delphine Seyrig, actrice déjà reconnue à l’époque. Caméra au poing, elles découvrent l’usage subversif de l’appareil, pour faire entendre la voix de celles et ceux à qui on ne donne pas la parole, et se battent pour leur indépendance. Un héritage précieux mis en image dans ce documentaire de Callisto McNulty, réalisatrice et petite-fille de Carole Roussopoulos.
Callisto McNulty propose à travers un montage alerte et pertinent une stimulante série de portes d’entrées. C’est la force du film que de faire connaître, découvrir ou redécouvrir à la fois la vitalité d’une époque où contestation rimait souvent avec récréation à travers de nombreux extraits de documents réalisés par le duo et la trajectoire d’une actrice qui n’a cessé de chercher cohérence et équilibre entre vie, valeurs et carrière. Quelques extraits, toujours à propos, suffisent à donner envie de (re)visiter sa filmographie. Autre atout de ce documentaire, la réflexion qu’il instaure en creux autour de l’image. D’une part, l’image en tant qu’elle enregistre, rend compte, documente. Il faut à ce titre noter que Delphine Seyrig, Carole Roussopoulos et Ioana Wieder (dont l’absence de témoignage étonne) ont fondé en 1982 le Centre Audiovisuel Simone de Beauvoir qui aujourd’hui encore réunit, produit et diffuse des documents audiovisuels sur les droits, luttes et création de l’art des femmes. D’autre part l’image/cliché, celle de la comédienne, éthérée, inaccessible, cérébrale que la femme n’a cessé de combattre. Enfin, et surtout, ce film réussit à communiquer l’énergie de ces années de slogans potaches, de parole spontanée, une forme de lutte joyeuse qu’on regarde aujourd’hui avec un peu de jalousie et que les deux luronnes incarnent à merveille. Dans le sillage des deux protagonistes, cet effervescent Delphine et Carole, insoumuses invite à revivre par procuration la joviale agitation qu’elles ont su à la fois animer, capter et préserver.
– François-Xavier Thuaud, Le Bleu du Miroir
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ImageLe 16 mars