21 NUITS AVEC PATTIE
ARNAUD & JEAN-MARIE LARRIEU - 1H55, 2015
AVEC ISABELLE CARRÉ, KARIN VIARD, ANDRÉ DUSSOLLIER, MATHILDE MONNIER
Au cœur de l’été, Caroline, parisienne et mère de famille d’une quarantaine d’années, débarque dans un petit village du sud de la France. Elle doit organiser dans l’urgence les funérailles de sa mère, avocate volage, qu’elle ne voyait plus guère. Elle est accueillie par Pattie qui aime raconter à qui veut bien l’écouter ses aventures amoureuses avec les hommes du coin. Alors que toute la vallée se prépare pour les fameux bals du 15 août, le corps de la défunte disparaît mystérieusement.
En quinze ans, les frères Larrieu sont sortis de la marge mais leur rapport hédoniste à la nature et à l’utopie, leur manière d’embrasser déviances et névroses dans un souffle libidinal affolant n’ont pas varié. Ce qui change, c’est le point de vue. Dans 21 nuits avec Pattie, les femmes mènent la danse. Le film mélange enquête policière, dialogues grivois et fragrances fantastiques. Avec cette trame aux frontières de l’étrange, les deux frères explorent avec justesse les multiples facettes du désir, démontant la mécanique des fantasmes. Rien ne résiste à un tel élan, pas même la mort, qui se soumet ici aux pulsions nécrophiles des uns, à l’envie de danser des autres. […] La véritable chair du film, l’enjeu principal de sa mise en scène, ce sont les mots, et les images mentales qu’ils produisent. Entre ceux très pornos de l’exubérante Pattie, ceux d’André, tellement bizarres qu’ils en deviennent sexuels, ceux d’un drôle de type qui s’invite bientôt dans la danse (André Dussollier) en laissant entendre qu’il pourrait bien être l’écrivain J.M.G. Le Clézio, ils sont la clé d’une usine à fantasmes qui va fendiller la carapace de la petite citadine inhibée. Jamais cet hédonisme solaire, qui relie 21 nuits avec Pattie à d’autres films comme Ce cher mois d’août, de Miguel Gomes, ou L’Inconnu du lac, d’Alain Guiraudie, n’a paru si précieux qu’aujourd’hui.
Isabelle Regnier, Le Monde