Shohei Imamura
Shōhei Imamura, l’un des rares cinéastes à avoir obtenu deux Palmes d’or – La Ballade de Narayama (1983), L’Anguille (1997) – a laissé une œuvre majeure mais en grande partie inconnue du grand public. La ressortie dans une version restaurée de ces quatre films importants nous permet d’apprécier l’évolution du réalisateur dans la première partie de sa carrière, saisissante par l’âpreté de son regard autant que par ses audaces formelles.
Dès ses premiers films, Imamura plante sa caméra dans un monde de frustrations et d’enfermement, un monde en marge de l’histoire officielle, un monde opprimé dont les aspirations se heurtent violemment aux règles sociales. Les sous-titres de certains de ses films soulignent sa démarche. La Femme insecte s’intitule aussi Chroniques entomologiques du Japon et Le Pornographe s’annonce comme Introduction à l’anthropologie. Le regard clinique, quasi documentaire, qu’il pose sur les mécanismes du désir et de l’oppression décrit les êtres sans les juger, sans leur octroyer le moindre sens moral. Ce féru de satire et de provocation n’a eu de cesse de critiquer la société japonaise, son immobilisme, son passé lourd de culpabilité, l’influence américaine de l’après-guerre. En confrontant ses héros à l’Histoire, il souligne comment des destinées individuelles ont pu s’inscrire en marge des événements qui ont secoué son pays.