SYNGUE SABOUR, PIERRE DE PATIENCE
ATIQ RAHIMI, 1H43, 2013
Kaboul est sous les bombes. Tandis que la guerre fait rage, une jeune mère veille son mari, héros de guerre, plongé dans le coma. L'imam avait prédit son réveil, mais la date est passée, et l'homme blessé dort toujours. La femme se décourage, son dévouement lui pèse. Sa voix, d'abord timide et hésitante, s'affirme, et voilà qu'elle se met à raconter à l'homme endormi ses doutes et ses angoisses, puis ses errances, ses peines, la somme irréductible de ses rancœurs...
La mise en scène d'Atiq Rahimi est précise et patiente, comme les gestes de la femme qui soigne. Dans ce cadre compliqué, entre les quatre murs de la chambre, la voix et le visage de Golshifteh Farahani font merveille. Dévoilant les ambiguïtés de son personnage avec une douceur libératrice et déconcertante, elle porte ce rôle difficile entre tous jusqu'à une vérité qu'il semblait impossible d'atteindre, et, ancrant à elle seule la fable au cœur du réel, offre magnifiquement la naissance de sa parole libre, au crépuscule du monde qui lui imposait de se taire.
Le Monde