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Sobibor, 14 octobre 1943, 16 heures

Claude Lanzmann
1h35 - France
2001

-----Synopsis : 

En 1979, Claude Lanzmann recueillait, pour son futur chef-d'oeuvre Shoah, le témoignage d'un des acteurs de la seule révolte victorieuse à l'intérieur même d'un camp d'extermination nazi. A Jérusalem, Yehuda Lerner lui contait dans les moindres détails comment s'était fomenté la rébellion dans le camp de Sobibor, le 14 octobre 1943. Plus encore, il lui confiait son cheminement intérieur, celui de ses compagnons. Ses états d'âme aussi face au fait d'avoir tué un homme. Témoignage trop riche pour être simplement intégré dans Shoah. C. Lanzmann a souhaité construire un nouveau film autour de ces près de 80 minutes d'entretien. Accompagné de la chef opératrice C. Champetier et d'une équipe très réduite, il est parti sur les lieux mêmes du drame, figés depuis la disparition du camp, et qui témoignent encore des abominations commises par le régime Hitlérien. Yehuda Lerner explique longuement le fonctionnement du camp, divisé en deux : un camp de travail et un camp d'extermination où tous les "travailleurs" finissaient forcément à long terme. 

 

-----Générique : 

Réalisation : Claude Lanzmann
Image : Dominique Chapuis, Caroline Champetier
Montage : Chantal Hymans, Sabine Mamou
Son : Bernard Aubouy

-----Critique : 

Le témoignage de Yehuda Lerner a quelque chose de spécial. Ce survivant juif polonais au visage carré, au parler prosaïque, raconte comment il a participé à la seule révolte réussie dans un camp d'extermination nazi, celui de Sobibor, en Pologne. Avec lui, un certain nombre d'évadés (combien ? l'histoire ne le dit pas, non plus qu'elle ne renseigne sur ce qu'est devenu Lerner) avaient alors réussi à s'en sortir. Il fallut pour cela neutraliser leurs gardes-chiourmes, au prix d'un plan minutieusement élaboré, mais aussi franchir des barbelés sous la mitraille et courir à travers un champ de mines. Prenant conscience qu'il s'agit là d'un sujet en soi, Lanzmann choisit de ne pas l'inclure dans les quelque neuf heures de son film fleuve. Il y a dans cet épisode, aujourd'hui devenu film autonome, une dimension épique en contraste évident avec la matière absolument, nécessairement tragique de Shoah. Lanzmann n'en reste pas moins fidèle à son dispositif habituel : plans fixes et rapprochés sur le témoin, questions rigoureusement précises, éventuellement répétées, respectant la chronologie, creusant le détail des faits comme des impressions. Plusieurs fois, une malice dans le regard de Lerner souligne l'intelligence du coup de Sobibor ­ notamment cette manière de retourner contre eux certains caractères des soldats allemands (extrême ponctualité, confiance supérieure en soi). A l'entretien lui-même, Claude Lanzmann a ajouté des images tournées récemment sur les mêmes lieux, offerts aujourd'hui à la visite, au souvenir, au recueillement. Et surtout une séquence proprement hallucinante illustrant un stratagème macabre des nazis : ceux-ci avaient élevé des oies dont les cris stridents servaient à couvrir les hurlements de panique et d'agonie venus des cham- bres à gaz. Mieux que toute reconstitution (un téléfilm américain sur Sobibor, de médiocre facture, a été diffusé il y a quelques mois par M6), le vacarme de ce troupeau d'oies est puissamment, horriblement évocateur. Ce peu de « fiction » que s'autorise Claude Lanzmann n'est pas pour rien dans la forte empreinte que laisse son très vivant documentaire.

 

François Gorin / Télérama 

-----Ressources sur internet : 

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Le 19 mars 2013
Mardi 19 mars 2013 à 09h