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L'étrange affaire Angelica

Manoel de Oliveira
1h35
Espagne, France, Portugal - 2010

-----Synopsis :

Une nuit, Isaac, jeune photographe et locataire de la pension de Dona Rosa à Régua, est appelé d’urgence par une riche famille, afin de faire le dernier portrait de leur fille Angélica, une jeune femme morte juste après son mariage.

Dans la maison en deuil, Isaac découvre Angélica et reste sidéré par sa beauté. Lorsqu’il porte à son œil l’objectif de son appareil photo, la jeune femme semble reprendre vie, pour lui seul. Isaac tombe instantanément amoureux d’elle.

Dès lors, Angélica le hantera nuit et jour, jusqu’à l’épuisement.

-----Générique :

Réalisateur et Scénariste : Manoel de Oliveira
Directrice de la photographie : Sabine Lancelin
Ingénieur du son : Henri Maikoff
Chefs décorateurs : Christian Marti, José Pedro Penha
Chef costumier : Adelaide Trêpa
Montage : Valérie Loiseleux
Maquillage : Ignasi Ruiz
Coiffure : Pilartxo Diez
Scripte : Francisco Botelho
Directeur de production : João Montalverne
1er assistant réalisation : Bruno Sequeira

-----Le réalisateur :

Manoel de Oliveira, né à Porto le 12 décembre 1908, est aujourd’hui le doyen des cinéastes en exercice. En réel passionné de cinéma, il s’improvise d’abord comédien, mais se tourne rapidement vers la réalisation. Depuis le début des années 90, beaucoup de ses films ont été récompensés au Festival de Cannes : Non ou la Vaine Gloire de commander en (1990) Hommage spécial du Jury ; Val Abraham (1993) Prix des Cinémas d’Art et d’Essai ; Voyage au début du monde (1997) Prix de la Presse internationale. Il a également reçu une palme d’or pour l’ensemble de son œuvre lors du festival de Cannes 2009.

-----Critiques :

C'est un film qui revient de loin, d'une période presque oubliée, dont ne parviennent plus guère que des fantômes. Le scénario fut écrit en 1952, au sortir de la seconde guerre mondiale, puis laissé de côté pendant près de soixante ans. Il aura fallu que Manoel de Oliveira souffle sa centième bougie pour qu'il s'en saisisse saisir et décide d'en faire un film.

L'histoire, c'est celle d'Isaac, jeune photographe juif réfugié dans une petite ville des environs de Porto. Une nuit, il est appelé par une grande famille de notables, très catholique, dont l'une des filles, Angelica, vient de trépasser. On lui demande de faire un dernier portrait de la jeune fille, sur son lit de mort. Au moment où Isaac prépare son cadre, il voit dans l'objectif le beau visage de la morte s'animer. Il tombe instantanément amoureux.

De retour à la pension où il réside, le phénomène se reproduit. Sur les photographies qu'il a développées, le visage radieux d'Angelica revient à la vie. Elle lui rend visite en songe aussi, l'enlaçant tendrement et l'entraînant avec elle dans de douces virées à travers les cieux. Envoûté par ce fantôme apaisant, Isaac sombre dans une mélancolie profonde, se replie dans sa chambre, cesse de communiquer avec les autres pensionnaires, en vient à désirer la mort pour lui-même.

L'Etrange Affaire Angelica tient, par sa seule atmosphère, une alliance entre la sobriété lumineuse caractéristique de l'oeuvre du cinéaste et une touche fantastique primitive dont la simplicité confine au sublime. La magie qui émane des apparitions d'Angelica repose sur de délicats jeux de contrastes. Contraste, d'une part, entre le détourage phosphorescent des deux amants scintillants, semblant tout droit sortis d'une peinture de Chagall, et le noir et blanc mat choisi pour figurer les rêves d'Isaac.

Contrastes d'autre part entre les couleurs désaturées de sa chambre et celles, très intenses, des photos qui y flottent dans l'air, suspendues à une corde à linge. En s'animant, celles-ci deviennent des petits films incrustés dans le grand, des cadres dans le cadre qui viennent souligner l'impossibilité de l'amour absolu que fantasme le jeune artiste ailleurs que dans la mort. Concernant la magie de L'Etrange Affaire Angelica, il faut encore saluer la splendeur du sourire de Pilar Lopez de Ayala, qui incarne dans ce film l'une des plus belles mortes de toute l'histoire du cinéma.

Entre le moment où Manoel de Oliveira a écrit la première version du scénario et celui où il a fait le film, le monde a changé ; l'auteur aussi. La question juive, notamment, est moins brûlante qu'en 1952, et le cinéaste, ainsi qu'il s'en explique dans le dossier de presse, a modifié le scénario en conséquence.

Si quelques détails font penser que l'action se déroule aujourd'hui, une certaine théâtralité dans les décors, dans les costumes, dans les gestes, la libère d'une historicité précise. Dans cette perspective, l'identité juive d'Isaac apparaît surtout comme une manière de souligner l'étrangeté des deux amants l'un à l'autre, que redouble leur différence de classes. Désargenté, le jeune artiste est de fait du côté des paysans qu'il prend chaque jour en photo et dont le chant magnifique vient régulièrement scander le rythme de l'intrigue.

La beauté de ce film, sa douceur ensorcelante, vient essentiellement du point de vue que Manoel de Oliveira adopte sur les penchants mortifères de ce personnage qu'il a fait interpréter par son petit-fils, Ricardo Trepa. Comme s'il était lui-même prêt à rejoindre la farandole de ses fantômes.

Isabelle Renier – Le Monde

Une nuit pluvieuse, une voiture arrive dans une bourgade portugaise. Ses occupants, missionnés par leurs employeurs, une famille de notables de la région, sont à la recherche d’un photographe.

La jeune femme de la maison, Angélica, qui venait de se marier, est morte subitement. On souhaite que ses traits sur son lit de mort soient saisis pour en garder la trace et le souvenir. Le photographe local étant absent, on fait donc appel à Isaac, jeune homme juif féru de photographie, qui loge à la pension de Dona Rosa.

Quand Isaac pénètre dans la chambre mortuaire d’Angélica en présence de toute la famille, il a un choc : la jeune femme, dans sa grande robe de princesse, est non seulement ravissante, mais elle sourit.

Plus encore, alors qu’il la vise avec son objectif, elle ouvre les yeux et lui adresse un sourire encore plus grand. Isaac tombe amoureux d’Angélica.Mais dès le lendemain, Isaac se livre à une autre passion : prendre en photo les ouvriers viticulteurs “à l’ancienne” qui chantent le long des coteaux.

La place nous manquerait pour mentionner toutes les pistes de ce beau et riche livre d’heures. L’Etrange Affaire Angélica (étrange comme l’inquiétante étrangeté de Freud) est un conte libre, une fable bizarre, aux mille sens possibles, aux mille ouvertures. Comme à son habitude, Oliveira la conte avec patience, un sens du récit réaliste très précis et limpide.

Mais à la fin, tout se clôt sur une pièce dont on ferme les volets pour laisser un mort reposer dans la paix, tandis que dehors les hommes continuent à s’atteler à l’ouvrage. Que veut dire toute cette histoire ? Oliveira nous annonce-t-il sa mort prochaine ?

Livrons quelques indices, posés ici et là, qui pourraient nous aider à comprendre l’enchantement mystérieux qu’il procure. Il y a l’époque, ou plutôt la non-époque où se déroule cette histoire simple.

Elle a été écrite par Oliveira au début des années 50, et beaucoup de personnages semblent vêtus comme à cette époque-là. Pourtant, tout est comme aujourd’hui ; les rues, les voitures sont les nôtres. Toutes les époques se mélangent, les paysans travaillent la vigne avec une bêche ou avec un tracteur. Oliveira saisit leurs gestes avec une acuité profonde, attention à la seconde qui passe, ça y est, elle est passée.

C’est une histoire d’amour, l’amour éternel et sans frontières, romantique et surréaliste, qui unit les amoureux par-delà le temps, l’espace, grâce au rêve d’abord, puis à la mort, où ils se retrouveront, comme dans Peter Ibbetson d’Henry Hathaway.

C’est aussi un film sur le cinéma : sur la capacité de l’opération photographique à arrêter le temps, à le suspendre, et celle du cinéma à redonner de la vie par la juxtaposition de ces images, leur montage, et à raviver le souvenir.

C’est en posant le visage souriant d’Angélica à côté de la photo des paysans meurtrissant la terre qu’Isaac se remémore soudain les souvenirs de la Shoah, et l’impossibilité d’être heureux dans un monde si violent.Ce sont les hommes, qu’importe qui ils sont, qui détruisent la beauté et l’harmonie.

Cette étrange affaire est donc aussi une leçon sur l’histoire, sur les crises, les guerres, les massacres, la paix qui revient aussi, lourde déjà de futures menaces (les catastrophes climatiques sont aussi évoquées). Et donc sur la mort, ce spectacle, et sur les pulsions de mort, qui nous poussent à la destruction, à l’abandon, à l’inaction, à l’anéantissement.

Les hommes sont doubles. Dona Rosa s’inquiète constamment de la santé de son pensionnaire Isaac, mais elle n’hésite pas à rappeler ses origines juives et à parler de sorcellerie quand ses activités et son comportement dépassent son entendement. L’homme est pris entre la construction et la destruction, du monde, des autres hommes ou de lui-même.

Cette mort a donc un double visage. Triste, bien sûr, comme tout ce qui part à jamais. Mais souriante aussi – et le plaisir enfantin que procure le film réside bien évidemment dans cette idée géniale de cinéaste. La mort est joyeuse et émerveille chez Oliveira (ce vieil olivier lusitanien qui donne encore de si jolis fruits, sucrés et un brin amers). Les amoureux volent en souriant dans le silence plein de brouillard de la nuit, l’amoureuse repose souriante dans la mort et sourit à son aimé.

La mort n’est pas une paix, mais mieux encore : une joie, un bonheur extatique promis. Merci à monsieur de Oliveira, merci à lui de nous laisser ces petits indices sur le monde, ces petits cailloux bizarres qui nous permettront peut-être, parfois, de nous y retrouver et de sourire un peu au milieu des éboulements qui bouleversent nos vies.
Jean Baptiste Morain – Les Inrockuptibles

 

-----Le dossier de presse : télécharger

 

Le 19 mars
Le 19 mars 2013 à 09h