L’Âme sœur [Höhenfeuer]
Fredi M. Murer – 2h, Suisse, 1985
avec Thomas Nock, Johanna Lier, Dorothea Moritz
Quelque part dans une ferme des Alpes. Un couple vit avec ses deux enfants : leur garçon est né sourd-muet et leur fille, qui souhaite devenir enseignante, apprend à son frère à lire, écrire et compter. Une tendre complicité lie les deux enfants, isolés du reste du monde. À l’adolescence, le fils se révolte suite à une violente dispute avec son père et s’enfuit. Seule sa sœur est capable de le retrouver. Une nuit, elle le rejoint dans la montagne. Les deux enfants deviennent amants.
L’Âme sœur est le plus grand succès du cinéaste helvète Fredi M. Murer (Zone grise, Vitus) et incontestablement un chef-d’œuvre absolu du cinéma suisse. Près de quarante ans après sa sortie, le film n’a rien perdu de sa puissance gutturale et tragique. Beau et troublant comme un poème lyrique, L’Âme sœur n’est pas un drame de la morale. Bien au contraire, il n’a que faire de celle-ci, préférant s’intéresser à la manière dont elle s’estompe face à la pulsion et ’instinct humain. Dans un décor tellurique où cohabitent la douceur de la vallée et les angles escarpés des rochers, battu par le vent et où se font entendre quelques rares bruits d’une civilisation tenue à distance, Fredi M. Murer accidente le lyrisme de ses mouvements de caméra en brisant la ligne continue de ce récit frontal par un jeu de non-dits et de séquences interrompues de manière abrupte. Il crée ainsi une tension qui se répercute sur l’érotisme naturel des corps et de leurs amours : centre névralgique de cette parabole bâtie autour du tabou de l’inceste. Son refus de toute précaution comme de tout jugement en fait une œuvre naturaliste et sensuelle où la dualité des sentiments et l’ambiguïté des attirances mènent à la tragédie inéluctable mais libératrice.
— Xavier Leherpeur, La Septième Obsession
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ImageDu 13 janvier au 1 février