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Changement d'adresse

Emmanuel Mouret
1h25
France, 2006

-----Synopsis : 

Artiste dans l'âme, David, un jeune musicien, a décidé de donner un nouveau tournant à son existence. Il s'installe à Paris et trouve une colocation qu'il partage avec Anne. Passionnée et très extravertie, celle-ci rêvait de co-louer avec un musicien. Pour gagner sa vie, David doit donner quelques cours. Très vite, il tombe sous le charme de Julia, une de ses élèves. Profondément amoureux, il se met en tête de la séduire. Mais sa timidité et sa maladresse l'empêchent de se montrer à la hauteur de ses espérances. Il se tourne alors vers Anne et lui demande conseil. Ravie, sa colocataire ne se montre pas avare d'encouragements et met au point maints stratagèmes...

-----Générique :

Réalisation : Emmanuel Mouret

Scénario : Emmanuel Mouret

Musique : Franck Sforza

Photographie : Laurent Desmet

Montage : Martial Salomon

Décors : David Faivre

Emmanuel Mouret : David

Frédérique Bel : Anne

Fanny Valette : Julia

Dany Brillant : Julien

Ariane Ascaride : la mère de Julia

Claire Breniaux : la flûtiste

Clément Delmas : le xylophoniste

Magali Leroy : la harpiste

Jérôme Flaum : l'élève de cor

Frédéric Niedermayer : le voleur

Hans Joachim Kruse : le peintre

-----Critiques : 

Un musicien de Marseille s'installe à Paris, en colocation avec une inconnue, blonde. Et s'éprend d'une autre, brune, à qui il donne des cours particuliers... Sur le papier, Changement d'adresse reproduit une trame de comédie romantique hollywoodienne. Le héros et sa coloc optent un peu vite pour le mode amical et se racontent leurs tribulations amoureuses comme s'ils étaient en terrain neutre. Un leurre, bien sûr. Emmanuel Mouret, le réalisateur et l'acteur principal, sait entretenir ce suspense sentimental, mais il réussit tout autant à entraîner ses personnages vers l'absurde. C'est une affaire de langue, de mots (le héros est professeur de cor !), mais aussi de gestes échappant à l'entendement — la blonde boit un demi-litre de champagne d'un seul coup. Les comédiens excellent dans ce va-et-vient entre psychologie et dérision-déraison : incongruité cocasse des silences de Fanny Valette ; ingénuité suspecte de la logorrhée de Frédérique Bel.

Mais le film est riche aussi d'un envers plus désenchanté. Plusieurs rebondissements contraignent les personnages à des extrémités peu glorieuses, tandis que l'étalement du récit sur plusieurs années dévoile leur face cachée, les mauvais plis qu'ils prennent. Loin de Rohmer, à qui Emmanuel Mouret est souvent comparé, on a ainsi le temps de voir changer les sentiments en fonction des circonstances, et de douter qu'il existe une combinaison amoureuse idéale reliant tel et telle...

Louis Guichard - Télérama

Lors de la présentation du troisième long métrage d'Emmanuel Mouret en mai, à la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes, on a cru lire ici et là que le réalisateur proposait une synthèse d'Eric Rohmer et de Woody Allen. La formule, séduisante mais approximative, vaut ce que valent toutes les formules. Il semble plus juste d'établir une autre filiation, une sorte de rencontre de Fernandel et Jean-Pierre Léaud, pour vraimentrendre justice au cinéma de Mouret : en l'abordant par les acteurs plutôt que par une mise en scène dont les réminiscences rohmériennes, avérées, ne jouent pas forcément en faveur du jeune cinéaste.

Rattaché à la catégorie assez rare des réalisateurs-acteurs (Mouret incarne le même personnage d'amoureux maladroit dans la plupart de ses films), le cinéaste apporte de prime abord un sens très sûr, très fin, très élaboré du casting, et, partant, des mécanismes dramaturgiques qui résultent de l'archéologie et de la matière des corps qui servent son histoire. Qu'est-ce en effet, considéré en soi, que l'argument deChangement d'adresse, sinon le canevas mille fois remis sur le métier, de part et d'autre de l'Atlantique, d'un canon de la comédie sentimentale, selon lequel chacun des protagonistes s'inflige mille détours et mille morts avant de comprendre que la chaussure qui convient à son pied se trouvait dès le départ tout à côté de lui, dans la peau du classique et tendre confident ?

Dans Changement d'adresse, cela donne la trame suivante : David, jeune provincial embarrassé qui enseigne l'art du cor, s'installe à Paris en colocation avec Anne, jeune fille délurée et expansive rencontrée dans la rue, et qui tient une boutique de photocopies. Après une première et naturelle tentative de rapprochement charnel, les deux partenaires conviennent que le fondement d'une colocation réussie relève de l'entretien d'une saine amitié plutôt que de celui des braises de la passion. Chacun s'occupe donc de son côté à son affaire, elle avec un client de passage dont elle tombée illico amoureuse et qu'on ne verra jamais, lui avec Julia, une jeune étudiante timide mais infiniment séduisante qu'il poursuit de ses assiduités à mesure qu'elle se soustrait à son désir.

Le grand intérêt du film réside pourtant moins dans l'art, subtil mais attendu, de ménager les nombreux rebondissements de son action, que dans la manière beaucoup plus étonnante grâce à laquelle le réalisateur incarne et infléchit cette dernière. Au chapitre de l'incarnation, c'est d'abord un quatuor totalement hétérogène qui fait, en un réjouissant miracle, tenir les personnages. Dans le rôle de la délicieuse Anne : Frédérique Bel, l'écervelée hystérique de "La minute blonde" de Canal+. Dans le rôle de la timide Julia : Fanny Valette, la jeune actrice qui monte (La Petite Jérusalem, de Karin Albou). Dans le rôle de Julien, en caricature de bellâtre qui séduit Julia : le chanteur Dany Brillant. A cette architecture improbable, qui fait ressembler le film au jeu des quatre coins, s'ajoute dans le rôle de David l'élément Mouret, qui représente à lui tout seul (Fernandel + Léaud) une étrange et indémêlable équation esthético-morphologique.

Cette imbrication de plaques et de strates étrangères les unes aux autres se complique encore en raison de la désinvolture consommée avec laquelle le cinéaste pousse l'absurde du modèle qui l'inspire. En faisantcohabiter tendrement les deux amoureux qui s'ignorent, en leur faisant explicitement énoncer les raisons qui les destinent l'un à l'autre, de même qu'en accusant à ce point l'indifférence, voire l'absence, de leurs partenaires de passage, Emmanuel Mouret déplace en fait subtilement l'enjeu de ce type de comédie. Il désarme en l'occurrence le matériau classique, fondé sur l'équivoque et la surprise, et le transforme en matière ductile, poreuse, plus sensible aux mystères et à la rencontre des corps qui l'animent qu'aux fils d'une intrigue d'emblée dénouée.

Tout le cinéma de Mouret est ainsi à l'image du personnage qu'il compose à l'écran, qui allie la force de la typologique classique à l'indécision du personnage moderne. Soit l'affirmation tranquille d'un être qui s'annule soi-même, à proprement parler l'incarnation d'une chimère. C'est exactement de cette manière - aprèsPromène-toi donc tout nu (1999), Laissons Lucie faire (2001) et Vénus et Fleur (2004) - que le réalisateur impose, doucement mais sûrement, sa conception toute personnelle de la comédie de moeurs, dans une note rare qui réunit les fragrances intemporelles de la scorie burlesque, de la délicatesse ahurie et de la légèreté si assumée qu'elle confine au néant.

Le Monde - Jacques Mandelbaum

-----Ressources Internet : 

La fiche film du distributeur (Shellac) avec dossier de presse, photos, ... 

Le 19 mars 2013
Mardi 19 mars 2013 à 08h