BLACKKKLANSMAN (J’AI INFILTRÉ LE KU KLUX KLAN)
2H16, ÉTATS-UNIS, 2018
AVEC JOHN DAVID WASHINGTON, ADAM DRIVER, TOPHER GRACE
GRAND PRIX DU JURY, FESTIVAL DE CANNES 2018
Au début des années 70, au plus fort de la lutte pour les droits civiques, plusieurs émeutes raciales éclatent dans les grandes villes des États-Unis. Ron Stallworth devient le premier officier noir américain du Colorado Springs Police Department, mais son arrivée est accueillie avec scepticisme, voire avec une franche hostilité, par les agents les moins gradés du commissariat. Prenant son courage à deux mains, Stallworth va tenter de faire bouger les lignes et, peut-être, de laisser une trace dans l’histoire. Il se fixe alors une mission des plus périlleuses : infiltrer le Ku Klux Klan pour en dénoncer les exactions.
Après douze ans de traversée du désert, le réalisateur, infatigable militant de la cause noire, signe son grand retour avec ce thriller aussi haletant que jubilatoire, primé au dernier Festival de Cannes. Il faut dire que Spike Lee tenait dans ses mains un scénario en or, que lui a confié le producteur et réalisateur Jordan Peele : l’histoire vraie de Ron Stallworth, un policier afro-américain de Colorado Springs qui a réussi, en 1978, à infiltrer le Ku Klux Klan – et a consigné le récit de cette aventure dans Black Klansman, en 2014. Se faire admettre auprès de tels « camarades », il fallait le faire. Spike Lee fait plus qu’adapter cette histoire stupéfiante : il relie ces années de lutte des Noirs américains à l’actualité, à l’Amérique de Donald Trump et au mouvement Black Lives Matter qui se bat aujourd’hui contre les groupuscules néonazis, les suprémacistes blancs et autres klansmen. Le film se clôt par des images des émeutes de Charlottesville, qui virent s’affronter le 12 août 2017 en Virginie l’extrême droite et des militants antiracistes et au cours desquelles fut tuée la jeune Heather Heyer, à qui le film est dédié.
L’auteur de Do the Right Thing (1989) malaxe la fiction, le documentaire, et les deux ne font plus qu’un – au prix de collages d’images parfois douloureux sur le plan esthétique. Mais sans doute cherche-t-il à impressionner l’œil, ou à transformer le spectateur en caméra agissante. Comme dans Malcolm X (1992), son biopic sur le leader noir américain assassiné en 1965, il affirme l’idée que le cinéma est le mieux à même de montrer le monde. Et qu’il peut être divertissant.
Clarisse Fabre, Le Monde