Antoine Page au Lycée Cournot de Gray
Marc Frelin
Antoine Page au Lycée Cournot de Gray
Marc Frelin

Rencontres avec le réalisateur Antoine Page

Lycéens et apprentis au cinéma

publié le 20/01/2022

Entre janvier et mars 2022, le réalisateur jurassien Antoine Page rencontre une vingtaine de classes dans l'Académie de Besançon, pour échanger sur son film C'est assez bien d'être fou, au programme du dispositif Lycéens et apprentis au cinémaCe film est proposé à l'échelle régionale, grâce à un partenariat entre les 2 Scènes et l'Artdam.

En salle de classe ou de cinéma, ces interventions permettent aux adolescent·e·s et aux enseignant·e·s de rencontrer Antoine Page, d'échanger avec lui sur la genèse et la réalisation de son film, le parcours de Bilal Bereni, alias Zoo Project, le street artist avec lequel il a entrepris ce voyage artistique qu'est C'est assez bien d'être fou. 

Extrait d'un échange au lycée Cournot (Gray) avec une classe en CAP Moto, le 17 janvier dernier.  

Comment avez-vous financé le film, le voyage, la nourriture ?
Le budget principal concernait les moyens de transport (carburant du camion, train) et la peinture. Le financement se fait normalement avant le tournage du film. Il faut donc l'écrire pour déposer des demandes, même s'il s'agit d'un documentaire ou d'une sorte d'improvisation hasardeuse comme ce film ! Nous avons eu le soutien d'une chaîne de télévision, puis du CNC et de la Région Franche-Comté. Le budget était minime, 60 000€, et tout l'argent a été mis dans le film, nous ne nous sommes pas rémunérés avec Bilal. Ensuite, il y a eu des entrées, des ventes de DVD… En tout cas, la nourriture n'était vraiment pas un gros poste de dépense comme vous l'avez vu (sardines et Nutella !). 

Pourquoi les fresques sont elles peintes en noir et blanc ? 
Bilal était daltonien ! Mais c'est aussi un choix esthétique et surtout pratique, qui permet d'être efficace en peu de temps, lorsqu'on a peu de temps pour peindre avant l'arrivée de la police. 

Comment avez vous transporté la peinture pendant le voyage ? 
Lorsque nous avions encore le camion, c'était pratique. Par contre, lorsqu'il a été hors d'usage et que nous avons dû l'abandonner, tout était compliqué. Les fresques les plus importantes que l'on voit dans le film ont été faites durant la "période camion", où l'on transportait le matériel, et comme il s'agit de noir et blanc, on pouvait se réapprovisionner partout. Par contre, plus tard comme dans le désert de la mer d'Aral, c'était un vrai casse-tête. Il fallait porter la peinture pendant des kilomètres, l'approvisionnement était difficile. Bilal a même essayé de fabriquer de la peinture avec de l'huile de vidange ! Ce fut un échec total, mais toutes ces expérimentations faisaient partie intégrante du voyage, du projet. 

Vous avez donc abandonné le camion en panne ? 
Oui, c'est d'ailleurs complexe au niveau administratif de se séparer d'un véhicule à l'étranger ! On a essayé de revendre du matériel, en organisant une sorte de petit marché. Personne n'a rien acheté alors on a tout donné...

Comment avez vous communiqué durant le voyage ? 
À partir de l'Ukraine, je parlais en russe. Mon niveau d'anglais est catastrophique, et ce n'est de toute façon pas très apprécié en Russie de parler anglais. Mais j'avais fait Russe en première langue, c'était possible à l'époque au lycée Pasteur de Besançon. Il me restait quelques rudiments, et comme j'avais un vrai objectif, j'ai réussi à apprendre les bases pour le voyage. C'était très important d'avoir quelques notions, même si je bluffais un peu en donnant l'illusion de bien parler, nos interlocuteurs répondaient alors en russe, très rapidement, et bien souvent je ne comprenais pas tout ! Mais avec la police par exemple, cela évitait de trop passer pour des touristes ou de se faire intimider.
Avec les personnes que l'on rencontrait, j'essayais d'expliquer notre projet en russe, et Bilal le faisait avec des dessins, c'était très complémentaire, et les gens sont moins intimidés par le dessin que par la vidéo. Bilal offrait les dessins et je ne filmais jamais les gens au premier abord, je filmais Bilal et j'attendais qu'ils entrent dans le champ de la caméra, spontanément. 

Pour revenir à la question des langues, une rencontre importante est celle d'Ana à Odessa, qui travaillait à l'Alliance Française, elle nous a aidé pour le projet d'installation dans les "escaliers Potemkine". Ensuite je lui ai proposé de venir traduire tous les rushes avant le montage, pour comprendre ce que je montais. Puis elle a fait la voice over sur la version jeune public du film. 

Combien d'heures avez vous filmé ? 
En comptant le voyage et les maquettes filmées au retour, environ 200 heures !