Michel Schweizer
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Michel Schweizer

L'interview du spectateur#1

Avec L'est républicain
Le corps, les âges et la danse

publié le 20/03/2015

L’Est Républicain s’associe aux 2 Scènes pour permettre à un lecteur de participer à une interview avec un artiste, chorégraphe, réalisateur, metteur en scène...

Michel Schweizer est un chorégraphe hors du commun. Avec La Coma, il sera à Besançon mardi et mercredi prochain sur la scène de L’Espace pour présenter « Cartel », un spectacle où se rencontrent deux générations de danseurs : Jean Guizerix, 69 ans et ancien danseur étoile de l’opéra de Paris, et Romain di Fazio, danseur classique de 22 ans. Chloé Lefrant est quant à elle lectrice de L’Est Républicain. Assistante de production pour la compagnie bisontine AstrAgale, elle a interrogé Michel Schweizer à quelques jours de son passage dans la capitale comtoise.

On dit de vous que vous êtes un chorégraphe inclassable. Comment vous positionnez-vous ?
C’est effectivement un terme à la mode, cela ne m’intéresse pas beaucoup. Mais c’est vrai que je m’attache à pas mal de champs disciplinaires et parfois sans professionnels de la danse. Mais pour Cartel, je m’attache au champ de la danse classique, avec des professionnels, et il y a une chanteuse lyrique.

À ce propos, vous choisissez deux danseurs masculins plus une figure féminine au chant. Pourquoi ?
Pour plusieurs, raisons. Mon idée était d’essayer de donner à deux anciens danseurs étoile, Jean Guillerix et Cyril Atanassoff (ndlr : ce dernier n’a pas pu continuer l’aventure pour cause de blessure) la liberté de danser à nouveau. Il était mal venu d’y coller un enregistrement ou une musique quelconque. Faire venir une chanteuse lyrique permettait un accompagnement musical plus noble. Mon travail s’intéresse aux profils masculins dans l’usage de leur corps et dans les conséquences de cet usage : le deuil précoce que l’on doit faire de son corps, la question du traumatisme physique et mental. Il me paraissait important d’apporter un élément féminin qui soit une figure maternante.

Vous mettez en scène deux générations de danseurs. Cartel est-il un spectacle sur la transmission ?
Je vous l’ai dit, je me suis intéressé d’abord aux parcours professionnels et ce qu’ils impliquent sur le corps. Je voulais permettre à Jean Guizerix de se retourner sur sa vie professionnelle qui a débuté très tôt à l’opéra. L’homme a eu un parcours particulier et un rapport au monde particulier. Mais en effet, je voulais ensuite aborder la question de la transmission dans le travail. C’est drôle, mais tous les matins, Romain di Fazio avait droit à un cours particulier de Jean Guillerix et Cyril Atanassoff.

Le jeune danseur a-t-il appris quelque chose à ses aînés ?
Ils ne sont pas déconnectés car ils continuent à enseigner. Mais, il faut le reconnaître, la transmission a été réciproque. Les réalités de la danse d’aujourd’hui ne sont plus les mêmes. Les questions liées à l’exhibition sont en train de bouger. L’aspect performatif de la danse aussi. Avec, toujours, des conséquences sur le corps de celui qui pratique la danse.

Et vous, qui êtes au milieu de ces deux générations, qu’avez-vous retenu ?
Je suis très touché par cette verticalité masculine, ces hommes qui se tiennent debout dans la vie comme ils peuvent. Je suis assez troublé d’avoir rencontré des figures qui ont traversé soixante-dix années et ce, dans diverses professions. Les savoir-faire au niveau du corps me passionnent.

Quels seront les prochains profils masculins que vous aborderez ?
Mon prochain spectacle s’attachera aux profils masculins, autour des questions de déni et de refoulement, des figures persistantes dans la construction de l’homme d’aujourd’hui.

Eric DAVIATTE et Chloé LEFRANT

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