Femmes & cinéma d'animation
Un texte de Lucie Merijeau
autour de La Traversée, de Florence Miailhe
publié le 01/02/2024
Pour accompagner les projections de La Traversée (Florence Miailhe, 2021) au programme de Lycéens et apprentis au cinéma, les 2 Scènes ont fait appel à Lucie Merijeau pour la rédaction d'un texte, Femmes & cinéma d'animation.
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Quelques extraits du texte :
Commençons par une évidence ― mais l’est-ce vraiment pour tout le monde ? ― l’animation, c’est du cinéma. Une seconde chose : l’animation n’est pas un genre mais une série de techniques (dessin animé, images de synthèse, stop motion…), qui peut se passer de la caméra (grattage sur pellicule). Elle apparaît en même temps que le cinéma et les premiers effets spéciaux (substitution, arrêt de la caméra), qu’on trouve par exemple chez Georges Méliès dès la fin du XIXème siècle, en sont des parents proches.
Depuis les années 1910 et la création de la première industrie mondiale de l’animation aux États-Unis, les femmes ont surtout été cantonnées à des postes subalternes comme l’assistanat, le gouachage et l’encrage de celluloïds. Il y a bien Lotte Reiniger, réalisatrice allemande de l’un des premiers longs métrages animés (Les Aventures du Prince Ahmed, 1926, en papiers découpés) ou quelques réalisatrices connues grâce à la collaboration avec leurs célèbres conjoints (Claire Parker, Faith Hubley, Joy Batchelor). Mais les femmes cinéastes qui se démarquent arrivent tardivement et sont à chercher dans le champ de l’avant-garde et de l’expérimentation : Mary Ellen Bute dans les années 1930 et 1940, Marie Menken les deux décennies suivantes.
Arrivée dans le milieu de l’animation au début des années 1990, Florence Miailhe est la seule femme cinéaste à avoir réalisé un long métrage (très récemment, donc) et à connaître une carrière fructueuse dans le court métrage, dont elle incarne une figure incontournable sur la scène internationale.
Son travail se distingue par l’usage des techniques : Florence Miailhe réalise ses films avec de la peinture ou du sable, qu’elle anime directement sous la caméra. Chaque dessin se fait sur une plaque de verre rétro-éclairée, qu’il faut modifier directement sur ladite plaque pour produire le dessin suivant. Cela permet une grande spontanéité dans le dessin et dans la matière, là où l’animation traditionnelle requiert beaucoup de préparation pour créer le mouvement d’un personnage. Le procédé ne permet de garder aucune trace tangible des différentes étapes de l’animation, chaque dessin effaçant le précédent. Le sable et la peinture sont des matériaux flexibles, qui autorisent l’artiste à mélanger les couleurs pour créer des effets de teintes ou de textures : ce sont des techniques vivantes et vibrantes.
Son approche mêlant l’intime et l’universel des histoires est un autre trait saillant de son œuvre. Miailhe explore les liens au sein de communautés (Hammam, Au premier dimanche d’août…) ou des expériences intimes (Matières à rêver, 2009) et puise parfois dans sa propre histoire (La Traversée) au prisme d’une animation propice à la métaphore et à la sensualité.
La Traversée est le premier film de Miailhe qu’elle réalise avec une équipe et non seule, une quinzaine d’animatrices et un animateur se sont ainsi approprié.es son travail et son style. Un seul homme dans l’équipe d’animation ? Il s’agit d’un hasard du casting : Miailhe cherchait des gens qui partageaient son univers et ce ne sont quasiment que des femmes qui se sont proposées.